L’ « autocrate » Gérald Darmanin n’est-il déjà plus Charlie ?
C’est la grande question du procès qui s’est tenu vendredi 15 mars au tribunal de Nancy.
Dans le box des prévenus : trois personnes (la quatrième n’étant pas présente), réunies par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin « himself » (lui-même).
Oui, c’est l’accusé de viol, dont l’affaire a été enterrée il y a quelques semaines par une justice qui n’a pas souhaité faire du consentement une question de droit (Accusation de viol contre Gérald Darmanin : la Cour de cassation valide le non-lieu (lemonde.fr), c’est donc l’accusé de viol qui a porté plainte contre quatre personnes pour… avoir tenu des banderoles et diffusé une vidéo d’information.
Oui oui, vous avez bien lu. Les tribunaux n’ayant que ça à faire, Kevin Grillo, Natacha et Quentin étaient donc à la barre ce vendredi 15 mars, soit neuf ans après les attentats de Charlie Hebdo qui avaient poussé le grand démocrate Gérald Darmanin à dire : « En France, on a le droit d’être choqué, mais on a aussi le droit de choquer ».
Oui, Gégé, celui qui a flirté dans sa jeunesse avec l’Action française (Gérald Darmanin a-t-il milité à l’Action française ? (politis.fr)), l’extrême droite donc, et qui n’en est plus qu’à un trait de plume aujourd’hui, était Charlie à l’époque, la main sur le cœur, sur le Coran…
Ah non, la Bible plutôt.
Mais aujourd’hui, à la grande surprise de tout le monde, on se rend compte qu’il ne l’est plus. Voire pire, qu’il aurait menti… « La grande différence entre un démocrate et un autocrate, c’est que le premier supporte le débat, la contradiction, la liberté d’expression, pas le second. Car c’est bien là le nœud du problème.
On est ici dans une affaire où la liberté d’expression, par la satire notamment, qui s’accompagne de provocation et d’exagération depuis la nuit des temps, est en danger », commentait fort justement l’avocat de Kevin Grillo.
Est-ce que tenir une banderole sur laquelle sont écrits les mots « Dissoudre Darmanin dans une mégabassine d’acide », une référence humoristique à la répression violente orchestrée par le ministre de l’Intérieur contre les opposants à la construction de mégabassines, mais surtout à la tentative de dissolution de l’association « caritative » du Bloc lorrain par lui-même, doivent conduire au tribunal ?
Est-ce qu’une pancarte reprenant les paroles de la chanson Les petits darmanines (Darmanin Range tes mains Range ta queue Ferme ta gueule Ta p’tite gueule de fasciste Qu’on dissoudra bientôt), là-aussi pleines d’humour et de satire, méritent le déploiement de moyens hors normes, avec la brigade criminelle de Paris sur les rangs, des écoutes téléphoniques innombrables, une surveillance de tous les instants, des gardes à vue de plusieurs jours pour de nombreuses personnes et donc une convocation au tribunal ?
Cerise sur le gâteau : est-ce que faire un travail de journalisme en montant une vidéo d’information où ces banderoles et pancartes apparaissent quelques secondes mérite une garde à vue et un procès ?
Pour L’est républicain ou encore France bleu, qui ont fait exactement la même chose, la réponse est non.
Pour Kevin Grillo, l’ancien président du Bloc lorrain, journaliste indépendant qui a le malheur d’être politique et de déranger les autorités, la réponse est oui. Et en Chine, en Russie ou dans tous les pays qui n’ont plus rien de démocratiques, la réponse est oui. « Soyons sérieux : Charlie hebdo caricature Gérald Darmanin en le ligotant à un poteau, criblé de flèches.
Est-ce que cela signifie que Charlie hebdo veut tuer Gérald Darmanin ? Est-ce donc une menace de mort ? », demandaient les avocats. En vérité, même le ministre a un doute.
Dans sa plainte, il ne parle presque plus que d’injure sur une personne dépositaire de l’autorité publique, et a bien du mal dans son dossier à faire le lien avec une hypothétique menace de mort. « Croyez-vous vraiment qu’on est ici face à de dangereux criminels qui vont remplir un bain d’acide, enlever le ministre, et le plonger dedans ?
Ne pensez-vous pas plutôt que ce sont des militants politiques qui s’expriment et dérangent ? La réponse est évidente. »
Il reste donc maintenant à savoir si on est encore dans un pays démocratique ou si des « petits autocrates », comme ça a été dit à l’audience, ont les pleins pouvoirs pour faire n’importe quoi. Rendu du jugement le 19 avril à 8h30.
RobV pour le Pavé Lorrain
Comments