POULET GRILLÉ : C'EST PAS BIENTÔT FINI CES CONNERIES
Si les personnes qui y travaillent ressentent de nouveau un épuisement professionnel dû à la saturation de leurs tribunaux, elles devraient se tourner vers la police, le ministère de l’Intérieur ou encore les directions départementales de la sécurité publique (DDSP). La DDSP de Moselle, qui n’a que ça à faire il semblerait, s’amuse en effet également à repérer sur les réseaux sociaux des blagues qu’elle juge douteuses.
Une photo de poulet grillé accolée à une photo d’un CRS qui a pris feu lors de la manifestation du 1er mai 2023 à Paris, avec un commentaire, « c’était beau », et voilà qui vaut à la copine d’être poursuivie. Direction le tribunal de Metz.
Passons sur le fait que ce jour-là, à cet endroit de la manifestation parisienne, l’imposant cortège, coincé dans une rue étroite, avait été violemment attaqué (oui oui, avec coups de matraques au hasard et à hauteur de tête, et gazeuses) par les CRS de face, les délinquants de la Brav-M, par derrière, et par les gendarmes mobiles de côté. De sorte qu’il y eut un moment de panique chez les participants, étouffés, les uns sur les autres, contre les vitrines des commerces. Beaucoup pensent que ce jour-là, à cet endroit, sans ce jet de cocktail molotov sur les CRS qui a fait reculer ces derniers et ainsi ouvert une porte de sortie, il y aurait eu des blessés graves chez les manifestants, voire pire.
Passons sur ce fait-là, qui pourrait pourtant avoir toute sa place dans un tribunal, lui, parce qu’on parle de la santé et de la vie de gens.
Et revenons sur cette affaire. La copine, qu’on appellera Barbara, a donc subi une longue procédure que même des juges et une procureure croisés dans le couloir du tribunal trouvaient « ridicule », c’est leur mot. D’abord par son contenu. « Mon commentaire « c’était beau » concernait la manifestation dans son ensemble », s’est défendu Barbara, accusée pourtant durant l’audience… d’avoir fait partie du Bloc lorrain « dissout », sauf que le conseil d’Etat ne s’est pas encore prononcé sur cette affaire et que l’association (d’aide aux précaires, organisatrice de maraudes, de manifestations, etc.) n’est toujours pas dissoute officiellement.
Le procureur (un autre), pense qu’il y a des limites à l’humour (il n’est plus Charlie celui-là) puis a décrit ensuite Barbara comme « engagée et militante ». Il a ensuite souhaité lui « faire prendre conscience de la gravité des faits » et réclamé par conséquent une peine avec sursis sans mentionner de durée et en écartant l’amende.
On s’arrête deux minutes pour réfléchir à la situation : une blague sur un réseau social, s’engager pour une société plus juste ou égalitaire (c’est ça le militantisme de Barbara), suffisent donc à vous envoyer au tribunal.
Aujourd’hui. En 2023. En France. Nicolas Sarkozy, Patrick Balkany, et les autres peuvent dormir tranquilles, vraiment…
L’avocat de la défense a évacué rapidement les chefs d’accusation de « provocation publique à commettre un crime ou un délit » et d’ « injure publique envers un corps constitué ». « Il s’agit d’une formule qui n’incite à rien et ne peut justifier d’une telle poursuite. Il faut aussi rappeler les principes de l’humour et de la liberté d’expression, que l’on aime ou non l’humour proposé. » Il a cité Coluche, Desproges, et même le Burger Quiz. Alain Chabat, dans cette émission, demandait ainsi à ses invités : « que peut-on faire bruler en manif ? Réponse A : un poulet. Réponse B : un flic. Réponse C : les deux. » Le comique Alain Chabat n’ayant lui pas été poursuivi pour autant.
Bilan de toute cette mascarade organisée par la DDSP Moselle ? Condamnation à un stage de citoyenneté pour la provocation, relaxe pour l’injure publique. Barbara va faire appel, sur conseil de son avocat, de juges et d’une procureure croisés dans le tribunal de Metz.
PS : pas dupe, Barbara. Elle sait que tout ça n’est orchestré que pour la faire taire. Embourber les militants dans des procédures stupides et longues, voire coûteuses, c’est une stratégie.
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