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Photo du rédacteurFédération Libertaire de Lorraine

PORTRAIT D'UN ANARCHISTE INDIVIDUALISTE LORRAIN


Eugène Dieudonné fut élevé à l’orphelinat Stanislas de Nancy, sa mère étant veuve avec trois jeunes enfants. Menuisier à dix-sept ans, il était considéré par ses différents patrons comme un bon ouvrier. Il fréquentait le milieu libertaire de Nancy, en particulier les quatre frères Bill, tous menuisiers et tous anarchistes de tendance individualiste.


En 1909, Eugène Dieudonné partit pour Paris avec Louise Kayser qu’il avait épousée en 1907 et avec leur fils, Pierre. Il fréquentait le siège du journal individualiste l’anarchie, alors dirigé par André Lorulot et situé à Romainville. Peu de temps après, sa femme devint la compagne d’André Lorulot. Il vécut alors entre Paris et Nancy où il travaillait.


Soupçonné d’avoir participé à la première action de la « bande à Bonnot », le braquage de la Société générale, rue Ordener, à Paris, il fut arrêté le 27 février 1912. L’employé de banque Caby qui avait été grièvement blessé l’avait reconnu sur photos et déclarait qu’il était son agresseur. Dieudonné eut beau nier, on l’inculpa. Des témoins, les époux Reinert* qui affirmaient avoir été avec lui à Nancy à l’heure où l’attaque fut commise, furent arrêté pour faux témoignage. Un menuisier nancéen, Blanchet, assez proche des libertaires, fut soupçonné de les avoir dénoncés. Sur la foi de ces rumeurs, Charles, le plus jeune des frères Bill, exécuta Blanchet en mai 1912


Dieudonné comparut le 3 février 1913 avec les rescapés de la bande Bonnot, devant la cour d’assises de la Seine. Octave Garnier, dans une lettre écrite pendant sa cavale, puis Jules Bonnot dans son "testament" rédigé sous la mitraille, avaient affirmé qu’il ne se trouvait pas rue Ordener, mais cela ne fut pas pris en compte par les jurés qui déclarèrent Dieudonné coupable. Il fut condamné à la peine de mort. La sentence prononcée, Callemin, qui venait d’être lui-même condamné à la même peine, déclara être le seul auteur avec Garnier de l’agression contre Caby. Cette déposition venue trop tard ne pouvait annuler la sentence mais la peine de mort fut commuée par le Président de la République en celle des travaux forcés à perpétuité.

Au bagne de Guyane, Dieudonné fut d’abord interné sur les îles dont il tenta de s’évader à plusieurs reprises.


En 1924, il était assigné à Cayenne au service d’un ancien commandant de l’administration. Le 6 décembre 1926, Dieudonné, qui ne cessa jamais de clamer son innocence, et dont la grâce promise, en particulier après les campagnes menées en France par Albert Londres, n’arrivait pas, s’évada. Après douze jours de lutte contre les flots sur une barque qui chavira et s’envasa plusieurs fois, il parvint à l’embouchure de l’Orénoque. Quelques mois plus tard, il fut arrêté et détenu à la prison de Belem do Para au Brésil. Le Comité Dieudonné auquel participait sa femme et son avocat maître Moro Gaffieri et le Comité de Défense Sociale lançaient immédiatement un appel à l’opinion publique intitulé "Pour la grâce de l’innocent Dieudonné" auquel s’associèrent diverses personnalités et organisations.


Le 29 août 1927, après les campagnes d’Albert Londres et de Louis Roubaud, un décret lui fit remise de l’obligation de résidence en Guyane et du restant de sa peine. Dieudonné fut alors extradé du Brésil vers la France. Il s’établit décorateur fabricant de meubles dans le faubourg Saint-Antoine. En septembre 1928, il participa au 14e banquet de la revue libertaire du docteur Pierrot, Plus loin. Cette même année 1928 il participa à la campagne pour la libération de Louis-Paul Vial, qui avait été condamné en mars 1919 à 10 ans de travaux forcés et qui avait participé, avec lui, à une de ses tentatives d’évasion du bagne (cf. le numéro 4, octobre 1928, du Bulletin du Comité de Défense Sociale).


Il semble avoir pris ses distances avec la mouvance libertaire dont il n’avait pas suivi l’évolution, mais il avait conservé des relations dans ce milieu. Il condamnait l’illégalisme qui ne pouvait mener, comme il en avait fait l’amère expérience, qu’à la prison, au bagne ou à la mort, sort pire qu’une vie de labeur.

En 1930, il publia, aux éditions Gallimard, un témoignage accablant sur la Guyane, La Vie des Forçats, que préfaça Albert Londres. D’autre part, il interpréta son propre rôle dans une pièce de théâtre en trois actes tirée de l’œuvre d’ Albert Londres. Lucienne Boyer, qui chantait La Belle lui donnait la réplique. Des anarchistes du Libertaire lui reprochèrent d’avoir abandonné les thèses anarchistes, et un des leurs, Loréal, rendit compte de l’ouvrage dans un article très critique et assez injuste, du 27 décembre 1930, l’accusant de complaisance envers les autorités du bagne.

Dieudonné se lia d’amitié avec le fils d’Almeyreda, Jean Vigo, qu’il avait connu enfant.

Il réalisa pour lui des meubles dans le style "art nouveau" de Nancy, très prisé avant la grande guerre. Jean Vigo avait l’intention de tourner un film sur son expérience guyanaise, Evadé du bagne, qui aurait été tourné sur place. Dieudonné devait y tenir le rôle principal aux côtés de Gaby Morlaix. Le projet, qui ne put aboutir, fut déposé en 1933, un an avant la mort de Jean Vigo, déjà affaibli par la maladie. On ne sait plus grand chose de Dieudonné après cette date. Il mourut à l’hôpital d’Eaubonne le 21 août 1944.


Via l'association HLL membre de la fédération libertaire de Lorraine

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